Seoul @ Paris / Hanbok, a fashion K(o)reature


Comme pour célébrer "Séoul, Capitale mondiale du Design 2010", le salon Pompadour du Meurice s'est paré d'orientalisme à l'occasion de la Fashion Week Haute Couture.
L'événement ? Le défilé Lee Young Hee, créatrice coréenne reconnue comme leader contemporain du Hanbok : le vêtement traditionnel du "pays du matin calme".

Née en 1936 et élevée à Taegu par une mère brodeuse, elle fait ses classes d'Art et de teinture textile à la Sungshin Women's University, pour se lancer en 76 dans le design de Hanbok, "à la vérité nue teintée de légèreté et de couleur", qui aurait probablement plu à la marquise.
S'ouvrant au prêt-à-porter dans un style mêlant tradition asiatique et fonctionnalité occidentale, elle se fait rapidement rebaptiser "The Colorful designer of Asia" par Vogue et Harper's Bazaar. Lauréate du Korean Designer's Award en 93, puis du Korea Fabrics Award en 94, elle marque les colonnes du International Herald Tribune et les dépêches de l'AFP pour sa collection Printemps/Eté 95. C'est au cours de ce même défilé que ses créations acquièrent leur nom de scène : "costume de vent", issu d'un article dithyrambique du journal Le Monde.

Pour des millions de coréens, elle incarne la survie d'un savoir-faire traditionnel allié à un stylisme contemporain, "déterminant pour la sauvegarde du Hanbok coréen, honteusement abandonné par la population locale", dixit Sonja Park, jeune designer américaine d'origine coréenne issue de l'Institut Français de la Mode.


Le Hanbok, de la Dynastie à "Dynasty"

A l'origine, le Hanbok (tel que nommé en Corée du Sud) est une robe traditionnelle pour la femme. Sa ligne directrice : des couleurs éclatantes sur une coupe simple, sans poches.

S'il signifie littéralement "vêtement coréen", le Hanbok est désormais associé à la toilette de la dynastie Joseon (1392-1910), portée à l'occasion de célébrations officielles.


Le Hanbok d'aujourd'hui témoigne des bouleversements socio-culturels qu'à connu la Corée tout au long du 20ème siècle, demandant un vêtement plus pratique pour une femme active et libre, décrite par la designer comme "en apparence douce, mais intérieurement forte".


Le Hanbok de Lee Young Hee se veut actuel et glamour : pensé pour le "red carpet", il habille les actrices coréennes et parfois certaines stars américaines (dont on regrettera l'utilisation caricaturale et néanomoins attendue, comme celle faite par Britney Spears dont il vaut mieux taire les photos).

Pour celà, la veste se voit raccourcie et cintrée, coupée dans un tissu rendu presque transparent par l'absence de doublure. La jupe, taillée dans le "guksa", (tissu greige) se joue d'un drapé moins volumineux, voué à valoriser un tomber élégant.


A la fois objet de culte et de contestation, le Hanbok inspire la nouvelle vague d'artistes coréens, comme "The Hanbok Project", série du photographe coréen Kim Jung Man inspirée de la peinture et des cartes érotiques du XVIIIème siècle.


La beauté s'épanouit dans le vent

La couleur Lee Young Hee, détail fondamental, est issue d'une méthode unique de teinture à la main enseignée par sa mère. Eternellement insatisfaite par les matières premières issues du sourcing moderne ne permettant pas de "rendre hommage aux couleurs transcendantales du Hanbok traditionnel", Lee Young Hee décide de se replonger dans les origines du textile coréen en se rendant au Musée Mémorial du Seokjuseon à Séoul. Ressourcée, elle repend tout à zéro dans le but de créer ses propres teintes, aujourd'hui répertoriées sous le nom de "Korean Colors", constante de ses collections dont elle seule connaît le secret.


Pour cette collection 2010, lee Young Hee fait voyager le spectateur dans un univers à mi chemin entre le luxe à la française et l'artisanat coréen : au coeur du salon Pompadour aux moulures vêtues d'une toile blanche peinte de calligraphie noire, le Hanbok brodé main emboîte le pas à des créations beaucoup plus contemporaines (voire casual), sur fond de sound-design lounge à consonnance zen.

Collection Lee Young Hee - Haute Couture 2010

Si elle continue d'explorer les possibilités modernes qu'offre le Hanbok traditionnel, Lee Young Hee ne prétend pas tout réinventer.
Ses collections sont marquées d'une constante stylistique : le mouvement donnant du souffle à la couleur, le froissement du drapé vitaminant les volumes, la douceur des lignes rendant pudique chaque centimètre de peau et sensuelle chaque morceau d'étoffe transparente.
Chaque création tente de réveiller le regard subtil du spectateur, afin de le faire entrer dans une histoire datant de plusieurs siècles, comme un point de rendez-vous sur une frise historique.
Ici, il n'est ni question d'ostentation de beauté, ni de leçon de mode, mais d'un parcours gracieux et délicat entre l'impérial et le casual, porté par un casting international coiffé de chignons comme tirés par un fil invisible ou couvert de chapeaux et de foulards surélevés. Devant un public majoritairement coréen et une salle ayant mis du temps à se remplir, l'abaissement des lumières sonne d'un brutal apaisement le début du show.



La tradition emboîte le pas...



...Pour laisser place à l'immaculé "costume de vent"...


... Référence au sari ou aux 90's ? Le top se raccourcit...


... Suivi par une traîne aux allures de Obi délassé venant enlacer une robe bottée...


Tandis que de son explosion, le "jaune coréen" se laisse celler de noir...



... Rupture sucrée, le rose cerisier dévoile son romantisme...



Avant que le dégradé nous tire par le fichu vers un chic plus casual...



Le Hanbok revient, mais les épaules dénudées...




Tandis que tête-brûlée, le pantalon s'allie au cuir pour un look guerrier...




Le noir asymétrique clos le châpitre cocktail d'un jeu de lamé et de froissé losange...


...Pour boucler la boucle sur un blanc plein de promesses, menant par la main une Lee Young Hee tout en discrétion.



Détentrice d'une boutique à Paris, Séoul et récemment New York, Lee Young Hee accorde une grande partie de son temps à la transmission de la culture traditionnelle du costume coréen. Présidente du Mirae Munhwa Foundation, elle enseigne également ses techniques au Dong Duk Women's University Graduate School of Design de Séoul. En 2004, elle ouvre le "Lee Young Hee Museum of Korean Culture", afin d'offrir un lieu de découvertes, d'échanges et de soutien au design coréen.

Au début de sa carrière, l'occident avaient pour usage de qualifier ses créations de "Kimono coréen".
Une des victoire de Lee Young Hee ? Avoir réussi à réintroduire le mot "Hanbok" dans le vocabulaire international de la mode, aux côtés des références récurrentes au Kimono et au style chinois faisant trop souvent l'objet d'un festival d'amalgames.




Merci à l'équipe du magazine Stiletto

www.leeyounghee.co.kr
Museum of Korean culture - New York : www.lyhkm.org
Mirae Munhwa Foundation : www.miraefoundation.org

1 commentaire:

  1. Je l'aime l'article. La robe coreen, c'est tres elegante!

    I fairly recently discovered how beautiful this dress style is and this post adds to my fashion journey. MERCI

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